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Jour 5 : JODHPUR-KHIMSAR |
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Pas le temps pour les extraordinaires jardins de notre domaine. Nous trottons jusqu’au Fort de Mehrangarh, surnommé l’œuvre des géants. Un tournage de série télévisée perturbe notre visite. Ritchie se révèle un excellent « guerrier », défendant en anglais notre droit à la ballade jusqu’à arracher le dernier mot. Les cinéastes finissent par s’excuser. Nous escaladons les marches vers Jaswant Thada, mémorial de marbre blanc élevé à la mémoire de Jaswant Singh II, par une de ses (nombreuses ?) femmes. A l’intérieur des portraits photographiques de maharadjahs qui portent tous la même moustache et se ressemblent étrangement. Rien d’autre, mais des fenêtres ajourées laissent passer des rais de lumière adoucis devant lesquelles nous nous photographions les uns les autress. Il existe un mémorial destiné à un paon qui s’est parait-il jeté dans le bucher funéraire. Note un peu terrifiante : les femmes aussi se jetaient dans le bûcher , et bien entendu, n’en réchappaient pas ! On en conserve la mémoire dans le fort de Mehrangarh, près de la porte de fer, où des petites mains en terre cuite rappellent le sacrifice des veuves. Il est dit que toucher ces sculptures porte bonheur. Peut être à cause du tournage, des figurants en costumes dansent au son des musiques indiennes. Les robes tourbillonnent, les bras gracieux accompagnent les figures, les bracelets tintent aux chevilles : joli tableau que nous filmons. Le fort de Mehrangarh est une forteresse en nid d’aigle, s’étendant sur plus d’un km, très au dessus de la ville bleue, Jodhpur. Nous admirons la dominante bleue des maisons, due au fait que les brahmanes qui les possédaient vénéraient essentiellement Krishna, au visage bleu. En outre, le bleu est censé éloigner les moustiques et préserver la fraîcheur. Attention : Krishna est une des nombreuses incarnations (22) de Vishnou, envoyé sur terre pour lutter contre le mal. Petite leçon donnée par Ritchie : Vishnou est le dieu conservateur et protecteur : c’est lui qui préserve ce qui est bon dans l’univers, c’est l’intellect universel. Il est représenté avec 4 bras. Son épouse est Lakshmi, la déesse de la prospérité et sa monture est une créature mi-homme, mi oiseau. Il compte divers avatars dont les derniers sont Nara-simha (l’homme lion), Vâmana (le nain), Parashu-râma (le guerrier), Veda- Vyasa (l’Ecrivain des Vedas), Rama (le philosophe), Bala-Rama (le politicien), Krishna (l’incarnation de l’amour), Buddha (l’Illuminé), Kalki (l’incarnation de la fin des temps). Shiva est le dieu de la destruction. Il possède un troisième œil et peut détruire tout ce qui n’est pas vrai, et donc mauvais pour l’univers. Il danse dans les flammes symbolisant le rythme de la destruction et de la régénération. Il chevauche un taureau et s’entoure d’un collier en forme de cobra. Son épouse est Parvati et peut prendre de nombreuses formes, dont la célèbre Kali, femme coléreuse qui fréquente les champs de crémation, (une exception, les femmes n’étant jamais admises sur les lieux de crémation. En effet, leurs pleurs risqueraient d’empêcher les âmes de sortir des crânes fracassés par les fils et nuiraient à la destinée du défunt). Elle se pare d’un sautoir de têtes de mort. Elle représente pourtant la félicité extrême, le fond de la nuit … (la femme idéale, quoi !!!). Ganesh est le fils de Shiva et de Parvati. Il doit sa tête d’éléphant à une mésaventure : conçu par Parvati et non reconnu par son père, occupé, la plupart du temps à méditer dans les forêts, celui-ci, de rage, lui coupe la tête lorsque Ganesh lui interdit l’entrée dans la maison de sa mère. Shiva, pour s’en excuser, remplace la tête coupée par celle du premier être vivant croisé en chemin. Ganesh porte bonheur, car il est le seul homme qui a connu 2 vies dans une seule. Il figure en fond d’écran, sur le bureau de tous les PC indiens C’est dire sa popularité ! Je ne commenterai pas les belles images du fort de Mehrangarh, rien ne peut exprimer la beauté de ce site, des salons richement meublés, des perspectives intérieures et extérieures. Nous y avons reçu un cours de turban, et l’un de nous a adopté cette coiffure pour le reste de notre tour. J’ai noté tout de même dans tous les palais, des cours et appartements réservés aux femmes, qui pouvaient voir sans être vues et qui vivaient donc cachées au sein de ces forteresses. Une situation qui laisse entrevoir le statut de ces femmes, propriétés des maris, et, comme telles, astreintes à des vies confinées, exposées à des jalousies, des intrigues, des commérages et des punitions ! Les représentations en fresques montrent les maris, Maharadjahs ou Maharanas de leur métier, montés sur de puissants éléphants ou chevaux de race. Mais comme le commentait Richie, quand on est riche et fort, l’amour vient de lui-même !!! En fait, il y a différentes façons de porter le turban. La longueur, la couleur et le drapé diffèrent. Le blanc et le bleu sont souvent réservés aux décès mais le blanc est également porté par les musulmans. Les brahmanes portent un turban rose, les rajput jaune safran (symbole de la chevalerie guerrière), les intouchables marron et les nomades noir. Mais on peut aussi mélanger les couleurs, en particulier pour les fêtes. Les commerçants portent des turbans bicolores. Nous arrivons à Kimsar Fort, notre hôtel pour la nuit vers 16h30. Nous avons à peine de temps d’une douche, dans cet hôtel forteresse que l’on croirait en carton pâte, et nous repartons en jeep pour le territoire Bishnoi, et un morceau de désert du Thar. Ce désert sépare le Pakistan de l’Inde, et c’est là qu’en 1998, l’Inde a testé ses armes nucléaires. Du coup, le Pakistan a lui aussi développé ses armes de destruction massive. Un territoire explosif, donc ! (rappel : Marwar, le pays de la mort). Les Bishnois ne chassent pas les animaux et au contraire les protègent, ce qui en fait des gardes forestiers naturels. Nous sommes partis à la recherche des antilopes, des cerfs, des lièvres, des daims et gazelles qui peuplent cette région aride. Nous les avons aperçus, détalant au loin, dans leur totale liberté d’animaux sauvages. J’ai même vu s’enfuir un lièvre aux immenses oreilles, effrayé certainement par notre meute civilisée. Le paysage semble très sec, planté de ci de là d’acacias, afin de retenir l’avancée du désert. Enfin, sec, plus ou moins, car nous y avons essuyé un orage carabiné, arrosé, comme souvent au rhum-coca, débouché par Ritchie, en plein désert et bu dans des verres de plastique. Les plus courageux se sont lancés à l’assaut des dunes sous un ciel de cuivre, menaçant, presque irréel. Les gouttes s’écrasaient de plus en plus denses sur nos habits légers. Et c’est en nous protégeant du déluge, que nous sommes rentrés dans nos jeeps mal isolées. Les bishnois construisent des cases à l’africaine. Quelqu’un a remarqué d’étranges bouts de bois au sommet des huttes, et a plaisanté gentiment sur la forme des antennes télé locales… L’orage passé, nous avons assisté à un spectacle musical, avec des instruments comme : l’harmonium, les kharta (castagnettes), le violon, le morchang (une sorte de guimbarde), l’algoza (une cornemuse). Un jeune garçon très doué dansait de manière très enjouée et expérimentée. Nathalie a accompli l’exploit de chanter avec les musiciens. Sa belle voix lyrique s’accordait admirablement aux mélopées et rythmes indiens et elle y répondait avec son vocabulaire à elle, son registre, ses vocalises. Bravo à elle ! Les musiciens en sont restés admiratifs.
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